« MOI, MONSIEUR, MOI  » de Patricia Gomis – Au TARMAC (Paris 20ème)

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Patricia Gomis   

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Jouer sur une scène de cette taille, est une grande première pour Patricia Gomis ! Depuis le 15 et jusqu’au 26 Janvier 2013, la comédienne investit les planches du Tarmac. Un spectacle qui traite de sujets difficiles avec un humour léger. La marionnette, c’est elle-même quand elle était plus jeune, à 7ans, à 9ans, à 12ans …

Intimidée et stressée, la jeune comédienne sénégalaise ne se montre pas avant le début du spectacle prévu à 20h. Le public est présent, en avance. Et prend le temps de s’installer confortablement pour profiter de la soirée.

Pouvoir raconter son histoire c’est un honneur mais aussi une grande responsabilité. Responsabilité que prennent Patricia et sa metteur en scène Isabelle Verlaine. Une histoire difficile qui traite de sujets douloureux. Une histoire comme il y en a beaucoup au Sénégal encore aujourd’hui. Grâce à la comédie, l’artiste arrive à parler simplement et ouvertement de ces périodes pénibles qu’elle a dû surmonter pour réussir.

Une thématique lourde, une drôle de façon de la conter.

Ce sont des thèmes graves que la comédienne décide d’exposer au grand jour. Ce n’est pas drôle, mais triste, ce n’est pas étonnant mais choquant. Toutefois, Patricia a trouvé le moyen de ne pas se laisser abattre. Personne, dans le public, n’a pitié de son histoire. Pourtant même si c’est une comédie sur scène, les sujets traités sont réels et actuels. Parler du mariage forcé, des attouchements sexuels répétés, de l’excision, et de l’exploitation par les adultes n’est pas facile. Elle n’est pas là pour faire une protestation mais pour poser des questions. Le public s’en pose avec elle, au fur et à mesure de l’avancée de la pièce. Chacun trouve ses propres réponses.

C’est dans un registre comique que Patricia décide de s’exprimer. Elle joue, elle mime, prend des accents, caricature et investit toute la scène. Elle se sert d’une poupée, d’une boite et de deux draps comme compagnons de jeu. C’est avec une expression corporelle extraordinaire que Patricia se met dans la peau de toutes les personnes qui lui ont apporté malheur et désespoir. Qui l’ont touchée et marquée. Elle joue le rôle de sa maman qui la donne à sa tante, de sa tante qui travaille dur sans jamais poser de question « parce qu’une fille bien éduquée ne pose pas de question ». Elle se met à la place de son professeur, du guérisseur et de son oncle qui vit en France. Elle joue et se joue de toutes les destinées qu’elle a croisées. Patricia arrive à faire rire ses spectateurs. C’est son arme pour raconter son histoire.

Une poupée.

La jeune Sénégalaise se retrouve seule sur scène. Pourtant, on pourrait croire qu’elles sont deux. La poupée qui l’accompagne prend énormément d’importance. Elle devient attachante au fil des minutes. Mais que représente-elle ? La poupée est là pour parler de tous les enfants Sénégalais. Elle représente Patricia dans son enfance mais aussi ses amis, ses camarades de classes, et les connaissances de ses connaissances. L’artiste réussit à lui faire faire des mouvements et à lui donner des expressions de visage. On a l’impression qu’elle pourrait être un personnage vivant de l’histoire. Baladée de la tante à la cousine, utilisée comme bonne à tout faire dans les différentes familles, maltraitée par le professeur, la petite poupée traverse à tous les âges le calvaire d’une enfance difficile. Le public peut lire en elle l’espoir qu’elle continue de nourrir de par son jeune âge et les déceptions, les peurs, les craintes qu’elle vit chaque jour de par les actes de son entourage. Présente tout au long de la pièce, elle permet à Patricia Gomis de prendre du recul. En lui parlant, elle donne l’impression d’être plus étrangère à l’histoire racontée. Un dialogue se crée entre les deux. La poupée joue l’enfant excisée à cinq ans par sa mère, abusée par ses cousins et ses professeurs à dix, mariée par sa famille à treize, esclavagisée par les patrons et tous les autres à quinze. La comédienne, elle, a le rôle de toutes ces personnes qui l’on entourée et maltraitée pendant de longues années. Les propos sont graves et Patricia se met à nu devant son public. Elle doit remettre en cause et accepter d’être montrée du doigt. Mais aussi accepter que sa culture, son pays et ses traditions soient jugés.

Un travail recherché. Une ambiance sympathique et intimiste. Après la représentation, la comédienne est venue se joindre à son public pour discuter avec les plus curieux qui avaient des questions à poser. Autour d’un verre dans le hall du théâtre du Tarmac, le public se mélange pour finir la soirée.                                                                         

Eléonore Pascolini

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